Prises de Notes 1: Enregistrements du disque « Espaces » du trio d’Edward Perraud Part 1

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Prises de notes 2018

Trio Edward Perraud / Paul Lay / Bruno Chevillon (resp. Drums / Piano / Contrebasse )
Enregistrement Part 1

espaces    Edward Perraud, batteur unique en son genre, est un grand artiste qui traverse les Mondes de l’Art avec un subtil mélange de légèreté poétique et d’engagement puissant. Soigné de sa personne, toujours bien chaussé, souvent multicolore, Edward est un vrai, mais alors un vrai Fou du Son.

     De la production à la réception, de l’à peine audible aux boucans les plus insupportables il promène et use de ses « machines à sons », sa « plus que batterie », avec une justesse de gout unique.

     Des graves titanesques aux aigus les moins innocents, ses instruments traversent le monde spectral avec une certaine insolence, toujours au service de la musique et de sa musique.

Edward est aussi un compositeur.

  Après diverses aventures communes, j’allais enfin pouvoir partager et servir sa vision de l’Art du Trio.

     Et quel trio !

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    Paul Lay au piano, que je ne connaissais pas encore. On m’en avait beaucoup parlé et j’étais impatient. Pianiste au toucher sensible, souvent en retenue, peu enclin aux bavardages et toujours au service du chant.

     Bruno Chevillon, bien connu de mes services, lui aussi un grand malade du son. D’abord et surtout sur sa contrebasse mais aussi à propos de « la chaine de reproduction du son » et je blague avec lui très souvent et très sérieusement à propos du sens des câbles et des connectiques dorées.

     Bruno est un Grand Maitre !

    Nous devions enregistrer au Studio Gil Evans mais pour des raisons de travaux bruyants nous avons travaillé au studio Sextan à Malakoff. Je connais bien cet endroit pour y avoir très souvent enregistré et apprécie toujours d’y aller.

    Avec ces trois là, tout est important. Il faut capter la moindre inflexion et la restituer le plus justement possible. Leur imaginaire est infini et sur ces compositions ils sont à la fois interprètes, coloristes, mélodistes, improvisateurs et méchants garçons qui savent faire parler la poudre.

    Il est donc important, dès la prise, de restituer toute la dynamique tout en s’assurant que les chuchotements soient hyper timbrés, comme pour un plongeon au microscope électronique au coeur de la matière. Il faut garder une réserve pour les tintamarres sans que jamais le son ne se serre, comme poussé à bout, ne pas contraindre les électrons quand ces trois là se fâchent.

« Scarabée , ne va pas dans le rouge quand ces trois là voient rouge ! »

    A ce sujet, petit conseil: Les indicateurs de niveau de type peakmètres indiquent, en gros, des risques de distorsions dans le domaine numérique qui ne disent pas tout sur le plan musical. Il faut exercer son oreille à entendre ce qui se passe avant, c’est à dire au niveau préamps micros et entrées convertisseur (et toute entrée analogique). Sur des modulations, entre autres, riches en grave, une sorte de distorsion, peut apparaitre, comme un manque d’aisance sonore, quelque chose de contraint durant lequel le son se ratatine un peu. Cela s’entend mais ne se voit pas. L’usage de vrais vumètres à aiguille est souvent très efficace en complément. Procurez vous toujours un plug vu mètre bien calibré (calibration variable en fonction du projet) en parallèle de votre session et apprenez à vous en servir.

   

   Pour ce type de projet, je me déplace avec mon propre système d’enregistrement numérique: Un Horus (Merging / Pyramix) qui a les préamplis et convertisseurs les plus hauts de gamme que je connaisse.

   Dans la control room j’ai mes sessions sur mon ordi portable connecté par câble ethernet en Ravenna (un cousin du Dante) au rack Horus au plus près des micros. C’est pour moi la quintessence du numérique qui, à mon sens, rend obsolète les querelles digital/analogique (je ne parle pas des machines hardware analogique qui, pour le mixage, me semblent encore l’emporter…..en tous cas pour les projets acoustiques).

  Me voici au studio la veille de l’enregistrement, les musiciens y répètent en cercle en grande proximité. Je dois décider ce matin avec eux si finalement nous enregistrerons dans cette configuration, avec ou sans casques ou carrément isolés les uns des autres. Nos réflexions à ce propos et jusqu’à ce jour n’ont rien donné malgré les nombreuses discussions avec Edward.

   Il m’a juste dit qu’ils joueront à la limite du silence, que tout serait plutôt dans les nuances piano, parfois aux limites du concevable.

    Evidemment, je n’en crois rien. C’est pourquoi assister à une répétition est fondamental.

Je tourne autour des musiciens, tel un rampant m’approche de chacun des instruments, tends l’oreille en essayant d’imaginer ce que dira le microphone.

   Je me rends très vite compte que la délicatesse des jeux, les rapports entre les sons sont faits de reliefs et de disproportions. Une rude frappe sur une peau peut être synchrone avec un très léger frottement sur la contrebasse, le piano peut s’aventurer dans les graves et masquer un petit impact sur la caisse claire….

     Je sais qu’un micro (objet) sera moins « concerné » que mon oreille (vivante) , le cerveau compense et, s’il est exercé à l’écoute musicale et que le regard indique aussi vers où écouter, il peut, jusqu’à une certaine limite, compenser les manques d’informations. Il faut un peu d’expérience pour analyser vite où se trouve la frontière entre les domaines audibles d’ordre technique et ceux d’ordre sensible, entre les ambiances qui, pour être comprises, nécessitent le regard et celles qui s’en passent.

    Faites une expérience simple: Dans un restaurant vous décidez d’espionner ce que disent les gens de la table d’à coté. Pour être efficace vous devrez regarder vers eux ou fermer les yeux.

(N’allez pas jusqu’à imposer le silence à vos invités, c’est très efficace mais très mal élevé).

Il faut absolument que le discours musical soit totalement lisible et compréhensible et donc éviter les effets de masque.

   Nous optons donc pour la séparation totale des membres du trio: La batterie et la contrebasse dans les deux grandes cabines et le piano à sa place, dans la salle.

Tout le monde se voit et s’entend impeccablement grâce à un système casque performant.

Je pourrai ainsi au mixage avoir un contrôle de toutes les couleurs et aider à révéler à l’auditeur, par des mises en scène propices (y arriverai je …), toutes les richesses de l’ensemble.

Je pense qu’il est grand temps de faire une petite pause

Pas d’inquiétude, je ne vous abandonne pas.

                                                                                       Logo PTDC 4